L’accès au crédit pour les entreprises constitue l’une des problématiques majeures du financement de nos économies. Ce constat est unanime aussi bien chez les entrepreneurs, les jeunes diplômés porteurs de projets, les pouvoirs publics, les investisseurs, que chez les professionnels de la finance.
Sans s’étaler sur les principales causes d’une telle difficulté à laquelle sont confrontées les entreprises exerçant leur activité au sein de l’UEMOA et en particulier les PME – PMI, nous tentons d’apporter un avis éclairé sur l’innovation majeure que l’autorité monétaire et réglementaire à savoir la BCEAO, l’autorité de tutelle du marché financier régional à savoir le CREPMF (Conseil Régional de l’Epargne Publique et des Marchés Financiers) et la BOAD (Banque Ouest Africaine de Développement) ont entrepris pour élargir le panel d’instruments financiers disponibles au niveau du marché financier commun. Ce levier qu’est la titrisation d’actifs pourrait servir d’alternatif au mode de financement classique des entreprises et amorcer ainsi une nouvelle dynamique du marché financier de l’UEMOA.
Face à la problématique d’accès au financement auprès du secteur bancaire pour une frange importante d’entreprises du fait des contraintes liées aux suretés requises en matière d’octroi de crédit, aux politiques des banques en matière de gestion des risques et au poids de l’informel qui gangrène une frange importante des secteurs productifs de nos économies et particulièrement chez les PME – PMI d’une part ;
D’autre part, face à la volonté affichée par les autorités de tutelle à redynamiser le marché financier communautaire qui s’était jadis limité aux produits financiers classiques de type actions et obligations ;
Le Conseil des Ministres de l’UEMOA à travers le règlement N°02/2010/CM/UEMOA du 30 mars 2010 relatif aux Fonds Communs de Titrisation de Créances et aux opérations de titrisation dans l’UEMOA a rendu éligible le recours à la titrisation comme levier additionnel aux mécanismes existants en matière de financement structuré des entreprises.
En effet, la motivation de recourir au financement externe c’est-à-dire autre qu’en fonds propres présente des degrés et des enjeux différents selon qu’il s’agisse d’une entreprise qui a amorcé sa phase d’exploitation, d’une PME – PMI en phase de croissance ou d’un porteur de projet qui peine à concrétiser ses idées en un projet viable et structuré.
Les besoins énormes de financement pour des raisons multiples et pour l’essentiel ceux inhérents aux exigences de croissance de l’entreprise, à l’innovation, à la conquête de nouveaux marchés, ou plus simplement au financement du besoin en fonds de roulement d’exploitation, des investissements de maintien ou de renouvellement de l’outil de production sont autant de requêtes à satisfaire dans nos économies. Nous estimons qu’il est légitime d’explorer la piste de la titrisation d’actifs afin de résoudre de manière conséquente les interrogations soulevées précédemment.
La titrisation reste avant tout une opération de trésorerie. Il s’agit d’une technique financière qui consiste à transformer des actifs non liquides en titres liquides et facilement négociables. Elle permet de transférer des actifs ou les risques de crédit correspondants sous une forme structurée à des investisseurs tiers.
Si l’objectif initial de la titrisation d’actifs au sein de l’UEMOA était orienté vers la promotion des créances hypothécaires notamment le financement par les banques, de l’habitat et du logement social ; elle a été étendue à d’autres actifs que pourraient détenir les entreprises notamment les créances clients. Dans les marchés financiers pionniers de cette technique, en l’occurrence aux Etats Unis d’Amérique et en Europe, le champ des opérations de titrisation s’est élargi, en termes d’actifs aux créances autres qu’hypothécaires (cartes de crédit, crédit automobile, crédit leasing, financement de projets, recettes offshore …), et en terme de cédants autres que les banques, les entreprises, les compagnies d’assurance, les Etats et les collectivités locales.
En premier lieu les banques et les établissements de crédits. Les Etats et les entreprises de tout secteurs légalement constitués peuvent également recourir à la titrisation de leurs actifs. Toutefois, pour les entreprises, nous pensons qu’un pré requis en matière de qualité de l’information financière et comptable, du degré de formalisation et d’animation du dispositif de contrôle interne et de la gouvernance de l’entité cédante des actifs à titriser reste un préalable sur lequel il conviendrait de s’accorder.
Au niveau communautaire, les autorités en charge de la réglementation et du contrôle des marchés financiers ont mis un accent particulier sur les suretés à adosser sur les créances à titriser. D’autre part, les attributs des entités impliquées dans le mécanisme de titrisation sont très explicites en matière notamment de la gestion des actifs titrisés, du recouvrement des créances, du dépositaire des titres et des contrôles à exercer sur la transaction à savoir de son initiation jusqu’au paiement intégral des investisseurs détenteurs de titres émis, c’est-à-dire jusqu’à la liquidation du Fonds Commun de Titrisation des Créances créé à cet effet.
Les avantages de la titrisation sont divers selon qu’il s’agisse d’un établissement de crédit (une Banque) ou d’une entreprise.
Pour les entreprises, la titrisation présente les avantages suivants :
En résumé, comme source de refinancement facile pour les établissements de crédit, la titrisation permet un meilleur équilibre bilanciel pour l’entreprise cédante et constitue un levier important qu’il conviendrait d’utiliser afin d’accroitre les sources de financement des entreprises au sein de l’UEMOA.
Toutefois, elle ne constitue pas un instrument financier débarrassé de tout risque. La titrisation a été l’une des causes de la crise financière à laquelle les Etats Unis d’Amérique et l’Europe ont été confrontés. Des créances adossées aux crédits hypothécaires accordés aux ménages peu solvables du fait de la baisse des taux d’intérêts très bas enregistrés au début des années 2000 aux Etats Unis d’Amérique d’une part, et l’éclatement en 2006 – 2007 de la « bulle » immobilière d’autre part, ont été les facteurs déclencheurs de la crise des « subprimes ». Cette situation a été accentuée par la complexité qu’a connue la titrisation du fait de son succès comme levier important sur les marchés financiers internationaux. Cette préoccupation a été largement prise en compte par les autorités en charge de la réglementation et le contrôle des marchés financiers au sein de l’UEMOA.
Le règlement N° 02/2010/CM/UEMOA sur la base des conclusions de l’étude de faisabilité portant sur l’évaluation du potentiel du marché hypothécaire et de titrisation des actifs au sein de l’UEMOA et de l’architecture cible préconisée, le Conseil des Ministres de l’UEMOA à travers le règlement cité précédemment a identifié les intervenants dans une titrisation ainsi que leurs attributs :
Il convient de saluer l’innovation que la BCEAO, le CREPMF et la BOAD ont introduite dans notre espace économique et financier communautaire. Il revient alors aux ayant droits (banques, entreprises, Etats, collectivités locales,…) d’en user en toute connaissance afin d’accroitre leurs sources de financement et de refinancement.
Source : Par Ousmane DIENG, Financial Afrik